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n° 1002

Avec la collaboration de
6ème numéro de "Légendes du Commerce" après les premières séries consacrées au Printemps, aux Produits Libres de Carrefour, à Abercrombie & Fitch, Desigual et Tati
Ce numéro sera consacré aujourd'hui et demain à Felix Potin, une vraie histoire de légende.
Dans l'esprit du XIXème siècle, l'épicerie est assimilée à la boutique au sens le plus commun du terme. Les prix sont très peu mis en avant, l’organisation est loin d’être optimale.
Dans un Paris en pleine transformation, un jeune épicier nommé Félix Potin décide de bouleverser les pratiques en vigueur en s'inspirant des méthodes mises en place dans les grands magasins de nouveautés. On est à l’époque de la création des grands magasins et vous pouvez d’ailleurs consulter les deux numéros de Légendes du Commerce consacrées au Printemps.
1/ Quelques dates clés qui construisent la légende
1844
: Ouverture à Paris (au 28 rue Coquenard dans le IXème) d'une épicerie par Jean-Louis-Félix Potin (1820-1871) avec le principe : "vente de qualité à bon poids et à bon prix".

1860 : Ouverture d'un magasin boulevard de Sébastopol sur 2 niveaux.
1861 : 1ère usine à La Villette (1ère fabrique édifiée par un épicier).
La boutique du boulevard Malherbes ouvrira en 1864. La deuxième usine, construite à Pantin, sera inaugurée en 1880 et le deuxième grand magasin, situé rue de Rennes, en 1904.
1886 : La marque Félix Potin est déposée par ses héritiers.
La société à nom collectif Félix Potin comptera 70 succursales, 10 usines, 5 chais, 650 chevaux en 1923.
Les deux usines parisiennes compteront 1800 personnes en 1906 et 8000 en 1927.
Les 1200 magasins de la chaîne, transformés en superette en 1956, seront rachetés par André Mentzelopoulos en 1958. Plus amoureux de la pierre que du commerce, il va faire fortune en rachetant peu à peu, avec les murs, toutes les affaires de distribution alimentaires de la capitale: la Parisienne, Genvrain et… Félix Potin. Mentzelopoulos s'offre ainsi 1350 points de vente, mais devient surtout le plus gros propriétaire immobilier privé de Paris.
1959 : Félix Potin se lance dans le supermarché : 650 m2 sur deux niveaux, avenue Victor Hugo à Paris.
1970 : Félix Potin s'associe à Primistères.
1975 : Primistères-Félix Potin reprend les Comptoirs français.
1977 : Félix Potin compte 1 600 magasins pour un chiffre d'affaires de 3 milliards de francs.
1978 :
- juin : Félix Potin passe de 12 à 33,5 % dans le capital du distributeur de vins Nicolas.
- octobre : Rachat à la Sodim (groupe CFAO) des 150 magasins Paris-Médoc.
- décembre : Acquisition de 17 % du capital de la société holding du succursaliste rémois Goulet-Turpin.
1980 : André Mentzelopoulos décède en décembre. ses héritiers prennent les commandes du groupe.
1984
: Primistères-Félix Potin est vendu à la société financière suisse Damilow, avec à sa tête le Marocain Daniel Amar.
Dès 1985, le jeune businessman s’investit dans une opération qu'il juge autrement plus excitante que la modernisation des magasins Potin: le rachat des Trois Quartiers et de Madelios, qu'il revend immédiatement au groupe Bouygues avec une confortable plus-value. Pendant ce temps-là, les Félix Potin partent à la dérive..
1987 : Le groupe Primistères-Félix Potin réalise 4,5 milliards de francs de chiffre d'affaires mais accuse une perte d'exploitation de près de 100 millions de francs, essentiellement liées à sa division supermarchés, principalement Radar.
En 1988, les difficultés financières sont telles que les grèves, les magasins non livrés, dans la même année, Felix Potin va multiplier les montages financiers avec pas moins de 4 versions différentes !
- 2 mai : Les salariés du groupe se mettent en grève pour protester contre le plan de restructuration annoncée (dont 300 licenciements et la fermeture de plusieurs établissements) par la direction. Les entrepôts de Longjumeau (Essonne) et La Courneuve (Seine-Saint-Denis) sont occupés, empêchant les livraisons aux magasins.
- 5 mai : Le tribunal de commerce de Paris nomme un administrateur judiciaire Hubert Lafont pour rétablir le fonctionnement normal du groupe.
Détenteur des pleins pouvoirs, Lafont opère un grand nettoyage – licenciements, fermeture de magasins, suppression de l'entrepôt de La Courneuve... Dans la foulée, le groupe Promodès empoche les 150 plus gros points de vente - juin : La société financière Pharaon holding, d'origine saoudienne, prend le contrôle du groupe en rachetant le holding Damilow qui possédait 64 % de Primistères-Félix Potin.
- août : Un nouveau montage financier est mis en place. La société First Anglo-Dutch Securities NV prend 90 % du capital de Primistères. Elle est détenue par 4 nouveaux actionnaires : 21 % par le groupe Promodés, 21 % par la Société parisienne d'alimentation et de distribution (Spad), 21 % par la banque Worms et 36 % par Pharaon holding.
- septembre : Promodès achète, pour 400 millions de francs, les 138 supermarchés de Primistères aux enseignes Radar, Félix Potin et Centre distributeur. Le distributeur normand annonce qu'ils prendront rapidement l'enseigne Champion.
- décembre : Après s'être emparé en juin de Nicolas, Castel Frères rachète, pour 250 millions de francs à Primistères, l'enseigne Félix Potin et ses 850 magasins de proximité. L’ensemble des magasins et, ainsi qu’une partie des murs, cédées alors par les héritiers Mentzelopoulos, sont rachetées par la famille Castel pour 250 millions de francs.
1991 : L'enseigne tente de diversifier ses activités en lançant plusieurs boulangeries, baptisées "La fournée de Potin".
1992 : Castel Frères revend Félix Potin en avril à la famille Sayer, qui détenait déjà 20 % du capital du distributeur depuis 1989. L'enseigne ne compte plus que 607 magasins, disposant d'environ 400 produits à marque propre.
1994 : Le 26 décembre, le comité d'entreprise de Félix Potin ouvre une procédure d'alerte sur la santé financière de la société suite aux nombreuses ruptures d'approvisionnement que subissent les magasins et retards de paiements aux fournisseurs.
1995 :
- 26 janvier : Les salariés de Félix Potin manifestent devant le siège de la société à Longjumeau pour demander à la direction un retour à des approvisionnements normaux et des indemnités pour compenser la baisse de chiffre d'affaires. Le tribunal de commerce de Corbeil-Essonnes nomme un mandataire ad hoc pour débloquer la situation.
- 8 février : Devant l'absence de solution, les syndicats de salariés appelle à la grève avec la fermeture des 460 magasins de l'enseigne. Par "solidarité confraternelle", Promodès, via sa filiale Prodim, accepte de reprendre des livraisons partielles.
- 1er mars : Faute de paiement, Promodès stoppe l'approvisionnement à Félix Potin. L'intersyndicale appelle à une nouvelle fermeture des magasins durant une semaine.
- 13 mars : Spécialisé dans les entreprises en difficultés financières, Daniel Lebard est nommé à la direction opérationnelle de Félix Potin, pour mettre en place un plan de restructuration visant à sauver la société.
- 11 avril : Daniel Lebard présente un plan drastique : cession de 220 magasins et suppression de près de 570 emplois sur 1 094.
- juillet : Le tribunal de commerce entérine un accord entre Félix Potin et ses créanciers pour échelonner les paiements sur 48 mois.
- 1er décembre : Félix Potin est contraint de déposer le bilan. La société est placée en cessation de paiements par le tribunal de commerce de Corbeil-Essonnes. Le plan de redressement n'ayant pas pu être mené à bien (difficultés à vendre les magasins), la BNP refuse de soutenir davantage le distributeur.
- 22 décembre : Les propositions de reprise ou de poursuite d'activité n'ayant pas été retenues par le tribunal de commerce, Félix Potin est mis en liquidation judiciaire. Les derniers 370 magasins ferment leurs portes au 31 décembre.
Pendant ces trois dernières années, Felix Potin bat tous les (mauvais) records :
-Les prix:40 francs le paquet de café ordinaire que l'on trouve à moitié prix dans n'importe quel supermarché; 21 francs la bouteille de cidre vendue 11 francs au Codec d’à côté!
-les pertes plus de 60 millions de francs pour les trois derniers exercices connus.
-le chiffre d’affaires qui recule de 9 à 10% par an.
- l’endettement(163 millions) est dix fois plus important que ses fonds propres.
Le 31 janvier 1996 : Le tribunal de commerce de Corbeil-Essonnes rejette les 8 offres de reprises partielles (de Casino et Promodès notamment) du réseau Félix Potin.
- juin 1996 : Promodès reprend, pour 32,4 millions de francs, 105 magasins, pour ses enseignes Proxi, 8 à Huit, Corsaire et Codec. De son côté Franprix achète les 3 plus grands magasins pour 12,3 millions de francs.
En 2003, la Société Philippe Potin, grossiste, qui possède des points de vente dans le sud-est de la France (Montpellier, Brignoles, Grasse et Monaco) rachète le droit d'utiliser l'enseigne.
Aujourd’hui, Felix Potin compte 4000 compte clients, 5000 références traitées à travers de 370 fournisseurs et émet 800 factures de 200 euros en moyenne par jour.
2/ Félix Potin : un entrepreneur et un commerçant de légende

Félix Potin est né en à Arpajon et meurt en 1871, c’est un des précurseurs de la grande distribution.
Fils de cultivateur, il choisit la voie du commerce et après son apprentissage dans diverses épiceries,
il loue en 1844, à l’âge de 24 ans, sa première boutique à Paris. De fait, il a pris soin de s'installer dans une rue passante, fréquentée par de nombreuses femmes. La sienne, dont il apprécie les qualités d'économie et d'ordre, tient la caisse.
Felix Potin fait plus que gérer la boutique, il applique des principes novateurs, que je vous décrirai demain dans la dernière partie, celle de son influence sur le commerce. Il apllique ses idées et les nouvelles idées venues des grands magasins.
En entrepreneur plus qu'en commerçant, Potin réalise également que son circuit d'approvisionnement doit être modifié. Afin de réduire ses coûts, Potin décide de limiter le nombre des intermédiaires et d'ouvrir ses propres usines.Etablies non loin du bassin de la Villette, elles livrent le cacao et d'autres denrées au magasin. Ce développement s'inscrit par ailleurs dans le contexte des grands travaux d'Haussmann. Soucieux de profiter pleinement des transformations de Paris, Potin choisit en 1850 de s'établir rue du Rocher, à deux pas de la nouvelle gare Saint Lazare. Cette implantation lui permet d'étendre sa pratique non seulement aux habitants du quartier mais aussi aux "banlieusards" et provinciaux débarqués par son chemin de fer.
En 1860, Potin ouvre une nouvelle épicerie, à l'angle du boulevard de Sébastopol et de la rue Réaumur. Encore une fois, cet emplacement ne doit rien au hasard. Ce nouveau magasin se trouve en effet au coeur du "ventre de Paris", au confluent des Halles et de la gare de l'Est. A peu de temps de cela, l'épicerie de la rue du Rocher est transférée boulevard Malesherbes.
Il meurt en 1871 et laisse derrière lui les deux épiceries portant son nom. Celle du Boulevard de Sébastopol peut s'enorgueillir de sa vitrine de 22 mètres et des denrées les plus variées qu'elle renferme.
Suite et fin demain de cette "Légende du Commerce"