5 questions à...Flavien Neuvy, Observatoire Cetelem
A l'occasion de la sortie de l'Observatoire Cetelem, toute la semaine sera consacrée à cette passionnante étude qui chaque année a le mérite de comparer la France avec 11 autres pays européens.
Cette édition 2013 est consacrée à la consommation alternative.
Je suis très heureux d'accueillir aujourd'hui Flavien Neuvy, directeur de l'Observatoire Cetelem, un observatoire attentif et averti des comportements de consommation pour nous commenter la sortie de cette étude.
1/ Bonjour, pouvez-vous vous présenter aux lecteurs de ce blog ?
Je travaille au Cetelem depuis bientôt 20 ans. J’ai occupé de multiples fonctions opérationnelles tout au long de mon parcours professionnel. Depuis 5 ans je dirige L’Observatoire Cetelem. Nous réalisons chaque année plusieurs études afin de décrypter les attentes des consommateurs et leurs comportements d’achat. Notre objectif est également de faire des études prospectives afin d’anticiper les grandes évolutions qui feront la consommation de demain. L’Observatoire Cetelem existe depuis bientôt 30 ans et, sur ces 10 dernières années, nous avons interrogés plus de 100 000 Européens par le biais d’enquêtes quantitatives ou qualitatives.
2/ Concernant l’importante étude (l’Observatoire Cetelem 2013) que vous avez mené dans 12 pays européens, pouvez-vous nous préciser les points qui vous ont le plus marqué ?
D’abord, sans surprise, le moral des Européens touche un point bas. Nous vivons dans un contexte de crise généralisée depuis 5 ans et les Européens qui sont en mode « gestion de crise » depuis 2008 sont fatigués. Fatigués avec un moral qui est affecté mais également fatigués financièrement. Un pouvoir d’achat orienté à la baisse et des politiques d’ajustement budgétaire en cours dans la plupart des pays européens poussent les consommateurs à faire preuve de beaucoup de prudence. Les intentions de consommer reculent fortement cette année et, à l’inverse, les intentions d’épargne sont en hausse. Par ailleurs, notre étude révèle que l’essentiel des arbitrages possibles ont déjà été faits. Du coup, face à cette crise qui dure, les Européens doivent trouver de nouvelles solutions pour maintenir leur niveau de consommation. La consommation alternative est incontestablement une de ces solutions et les Européens y ont de plus en plus recours. La montée en puissance de l’Internet mobile permet une accélération de la consommation alternative. Cette tendance est durable.
3/ Un des principaux intérêts de l’étude réside dans sa capacité à comparer la France avec la moyenne européenne et les différents pays européens, quelles sont les particularités du consommateur français en 2013 ?
Le consommateur français est plus prudent, plus attentiste. Le taux d’épargne des Français est l’un des plus élevés au monde. Par ailleurs, les Français sont également très sensibles aux aspects sociaux et environnementaux de leur consommation. Ils veulent « consommer responsable », mais cette volonté vient souvent se heurter à une réalité économique difficile qui les contraint à réaliser des arbitrages dans leurs achats au quotidien.
4/ Vous indiquez dans votre édito que nous sommes au tout début de la consommation collaborative, pouvez-vous nous indiquer quels sont les premiers signes forts concernant la France ?
La croissance du marché de l’occasion est exponentielle et traduit parfaitement cette volonté de consommer différemment, moins cher et plus responsable. Nous voyons aussi le développement de sites dédiés au troc, à la location entre particuliers. Même la location de voitures entre particuliers est en pleine expansion ! La mobilité alternative passe aussi par le covoiturage dont le succès est incontestable aujourd’hui. Parmi les nouvelles tendances de consommation alternative, on découvre aussi la volonté grandissante des consommateurs de se fournir directement auprès du producteur. Il pense ainsi réaliser des économies et surtout, il a le sentiment d’aider le producteur en lui évitant de passer par un distributeur. En clair, il a l’impression de consommer responsable. On peut également penser que dans les prochaines années, les consommateurs seront plus sensibles à la notion d’usage des biens plutôt qu’à la notion de propriété. La location marche très bien pour l’automobile ou du matériel de sport (comme les skis) mais tout reste à faire pour les autres marchés.
5/ Votre étude (comme toutes les études de référence) montre beaucoup de pessimisme du consommateur Français, quels sont malgré tout selon vous les points positifs, motifs ou raisons d’espérer ?
Il y a un point très important : si les Français attribuent une note de 4,1/10 à la situation de la France, ils s’attribuent en moyenne une note de 5,3/ quand on leur demande d’évaluer leur situation personnelle. Il y a donc un écart très important entre une vision très sombre de la situation de notre pays et une situation personnelle jugée largement meilleure. Enfin, même si le contexte économique est compliqué, notre pays dispose d’atouts considérables qu’on oublie peut-être trop souvent de mettre en avant.